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Les pieds dans l'herbe
29 janvier 2010

secrets de famile

C'était un déjeuner de famille ordinaire, bien qu'il se passât en semaine, c'était hier et qu' Aînée était à l'école. Cadette est restée à table, sage, à suivre ces flots incessants de conversations parfois discontinues.
J'ai toujours aimé écouter parler les anciens d'une vie qui paraît maintenant si éloignée qu'elle se noie dans le flot des souvenirs où l'on ne sait plus très bien ce qui est vrai ou édulcoré...
Les langues se délient, certains tabous tombent... On écoute parler de la guerre, des temps de misère avant les beaux jours qui ont vu se faire la petite fortune familiale, nous étions après la guerre et tout était du domaine du possible pour qui avait la volonté de réaliser ses projets, ses ambitions, tout était possible si le travail était là...
Avant la vie confortable, il y eut une vie plus miséreuse dans laquelle le Champagne ne coulait pas à flots et les enfants naissaient à la lueur d'une bougie au fond d'une vieille ferme sans eau courante.
Une femme, promise à un avenir d'institutrice, avait quitté une vie petite-bourgeoise confortable pour suivre l'homme qu'elle aimait dans une région très rurale qu'elle ne connaissait pas. Une petite fille était déjà née dans une clinique cossue d'une grande ville. Le petit garçon qui a suivi de près cette première naissance est né à la lueur d'une chandelle au fond de la vieille ferme sus-citée...
J'avais su un jour au cours d'une conversation qu'un bébé n'était pas né, "la nature est bien faite" m'avait-on dit, je  n'avais pu qu'acquiescer devant cette maman de déjà 3 enfants devenue grand'mère  puis arrière-grand'mère... Ce n'était pas comme si la vie lui avait refusé toute joie de la maternité.
Jeudi, je faisais un brin de vaisselle, ce couple était là assis, à se parler "et celui qui n'est pas né, c'était quoi garçon ou fille ?", "je ne sais pas, je n'ai pas regardé". J'écoutais d'une oreille attentive cet échange. Le mari reprend "oui j'ai fait le nécessaire". Stupéfaction non déguisée chez moi, j'ai dû hausser les sourcils aussi haut que je le pouvais.
-"oui il suffisait d'avoir un spéculum et d'introduire de l'air dans la poche" reprend le mari.
- Et la femme de répondre "ce n'était pas le moment, ils étaient deux, ils étaient trop petits et nous avions trop de travail avec notre entreprise". J'avais senti à sa façon de parler que ce choix n'avait pas été le sien.
- le mari "il faut le dire aux enfants"
- moi : "parce qu'ils ne sont pas au courant ?"
- "non"
Le fils arrivait à ce moment-là.
- "chut il arrive, on n'en parle plus".

J'étais tout étonnée d'avoir été celle qui recevait bien malgré elle ces confidences... Mal à l'aise parce que ces secrets étaient lourds à porter dans une famille, et je savais qu'elle en regorgeait et que celui-ci n'était sans doute pas le plus inavouable.

Je pensais surtout à ce qui aurait pu arriver si cela s'était mal passé. Je ne juge pas l'acte, comment le pourrais-je ?

Je m'identifiais juste à cette femme qui, je le pensais depuis quelques années déjà, aura souffert toute sa vie et supporté bien des vicissitudes avec le plus grand des courages.

J'aurais juste souhaité que la parole libératrice que confère le grand âge leur permette également de libérer leurs enfants de leur joug.






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Commentaires
S
Moi aussi, je me suis trouvée interloquée à recueillir un secret de famille qui ne m'appartient pas. Je l'ai là, en otage, précautionneuse de ne pas le laisser échapper !
A
Je n'ai jamais été au carrefour d'un secret, mais j'ai toujours aimé écouter aussi les conversations des " grandes personnes " qui sont parfois tellement mystérieuses avec leurs silences bruyants et leurs regards croisés entendus que l'on comprend que... c'est la vie !
Les pieds dans l'herbe
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